Haïkus des bords de Loire
Qu'est-ce donc que le haïku ?
D'origine japonaise, c'est un poème très bref, un tercet d'habituellement 17 (5/7/5) syllabes. Il contient une référence à la nature, à une réalité qui n'est pas seulement humaine. Sobre, précis, subtil, dense, sans artifice littéraire, loin du grand souffle lyrique occidental, le haïku peut sembler anodin au premier abord. En fait, il est banal ou sublime, tout se jouant sur la corde raide tendue entre le poète et le lecteur.
Juxtaposition de l'immuable et de l'éphémère. Légèreté parfois humoristique. Art du détail. Fragments de vie, de souvenir, de rêve. Lire et écrire des haïkus, c'est découvrir une conception autre de la poésie. Par son caractère unique, cette forme poétique permet à la fois la prise de conscience et l'expression de l'ici-maintenant ; il ne donne aucun espace à l'abstraction, à l'élaboration des sentiments, à la rêverie. Le haïku est un poème concret, une poésie des sens et non des idées.
Les observations méditations en bord de Loire se prêtent volontiers à cet exercice d'écriture. Amis photographes, amis lecteurs, venez partagez cette expérience !*
J'ai travaillé deux thématiques avec la photographe d'Ingrandes/Loire Francine Rebondy (les vases, détails de grèves). Quelques-uns des haïkus suivants (caractères gras) figurent dans un livre bilingue de Patrick Gillet et du photographe Yannick le Boulicaut : "Miroir de Loire" Edition Patrimoine et Médias.
Je recherche d'autres coopérations, notamment autour de l'ornythologie et autour des plantes installées sur les grèves. J'ai glissé ici quelques pistes à explorer. Avis à vous !
Haïkus des bords de Loire
(saison 1 : Géographique)
Hier c'est aujourd'hui
dans les yeux qui renouvellent
les pas de nos voix
...
La Loire au lointain,
reine, continue sereine
vers ta bouche estuaire
Des bras multiples
comme la déesse indienne
dans la danse fluide
Douceur angevine
sur Liré ses environs
ton visage sourit
Nuit belle hivernale
Dans sa robe désirée
Neige immaculée
(Saison 2 : Faunistique)
Noir le cormoran
Blanche la fine aigrette
Sur le clavier d'eau
Surface de l'eau
-elles- en lignes parallèles
serpentent les anguilles
Le martin pêcheur
Posée note bleu argenté
sur la barque endormie
Mon âme palpite
Comme une pluie de sternes
Viennent les envols
(Saison 3 : Floristique)
Le chanvre des champs
comme une moisson d'été
ses cheveux tressés
Avril d'orchidées
bosquets livres découverts
papillons si rares
Fleur, toi qui butines
- C'est l'Ophrys insectifera-
mon regard d'enfant
Des mâts d'acacias
hissent nos vagabondages
vers des vents frippons
Le jasmin d'hiver
souvenir ensoleillé
sourire complice
Guillemets ouverts
sur la phrase des chemins
talus enherbés
Deux cyprès géants
pointent au ciel leur index
Symbole christique.
(Saison 4 : Ponts et navigation)
Vois le canoë,
navette qui tisse tes fils
sur l'été si doux
La Gabare à quai
parmi les maisons montjeannaise
coeur musée amusé
(Saison 5 : Entre métal et pierre)
Tours d'un autre temps
Puits pour la lumière bleue
sur les fronts surpris
Ce chevalement,
un géant s'est pétrifié
prêt à traverser
Cheminée éteinte,
la chaux des parois réchauffe
le lierre tenace
Mon coeur, petit lapin,
arpente des escaliers,
côteaux tapis de fourrés
Murs de pierres sèches,
sourcils et la paupière
maquillée de terre
Murs de pierres, enclos
pour le verger des baisers
l'écureuil passe
Un vieux pont d'acier
Tend encore ses bras
sur le vide d'hier
Tas de bois coupés
Echo des murs minéraux
le froid peut venir
Ardoises alignées
Le vignoble est pieux
au pampre du soleil
(Saison 6 : Signes de l'homme)
Train à tête bleue
Région tissant des chemins
Navette d'un fil
Vois sa tête grise
File vipère TGV
Reste inoffensive
Un oeil sur la Loire
Tourelle de Gabelous
Les oiseaux y glosent
...